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Fidélisation sur le marché des risques d’entreprise : l’IA comme nouveau sésame
Patrick Soulignac, Principal Solution Consultant, Guidewire
Le marché des risques d’entreprises est l’un des plus importants gisements de valeur de l’assurance IARD. Essentiellement géré à travers le courtage, il place chaque année les assureurs face à un équilibre délicat au renouvellement, où il faut arbitrer entre fidélisation et rentabilité.
Cet enjeu s’est encore renforcé depuis un an, avec le net durcissement des conditions tarifaires de la réassurance. La cession d’une partie du risque au réassureur est une nécessité pour couvrir des risques de grande ampleur ; mais elle devient également un élément déterminant de l’équation tarifaire, plaçant le souscripteur dans une position délicate entre les exigences du courtier et celles des réassureurs.
Dans cette distribution des rôles au sein de la chaîne de valeur, le renouvellement est le temps fort qui détermine les positions de négociation de chacun des acteurs. De ce fait, savoir évaluer finement la qualité des risques en portefeuille ne vaut pas uniquement à la souscription. Pour pouvoir apporter des solutions compétitives, les assureurs doivent pouvoir “valoriser” leurs risques en portefeuille.
Les renouvellements de polices sont dès lors bien plus qu’une transaction de gestion back-office. Or, les assureurs ne sont pas toujours les mieux outillés pour ce rendez-vous. Face à l’enjeu de l’optimisation de la fidélisation, les assureurs disposent néanmoins d’un moyen d’action à fort potentiel : tirer parti de l’intelligence artificielle, et faire de la donnée un levier essentiel d’amélioration de la rétention client.
L’assureur qui cherche à fidéliser a l’avantage de disposer de données précises, structurées et à jour sur les risques couverts. Pour y parvenir, il peut y avoir plusieurs chantiers à mener.
Exploiter les données internes et externes
Les assureurs devraient commencer par s’assurer qu’ils maximisent les informations internes dont ils disposent, à commencer par les données des sinistres, de la souscription, de la facturation. En fonction des branches, des données externes peuvent également enrichir cette connaissance des risques : sources tierces géolocalisées, télématique des flottes, etc.
Ces données doivent pouvoir être croisées, et rendues accessibles aux équipes en charge des renouvellements. A partir de là, l’exploitation des données permet d’éclairer les processus opérationnels.
L’IA au service de l’amélioration de la satisfaction client
Pour en revenir au renforcement de la fidélisation des clients, l’analyse prédictive permet de tirer pleinement parti des données pour :
1. Améliorer la priorisation des dossiers :
L’évaluation des risques par un souscripteur fait appel à l’expertise de ressources rares, il faut donc en prioriser l’usage. Lors de la préparation du renouvellement, l’analyse prédictive permet d’évaluer le risque de perdre le contrat, et donc d’évaluer dans quel cas il est nécessaire d’apporter au dossier une attention particulière – ou au contraire, de basculer vers un traitement back-office ou automatisé.
Des modèles existent sur le marché – et les grands assureurs construisent leurs propres modèles. Compatible avec les langages d’apprentissage automatique tels que R et Python, l’outil de modélisation doit également être en mesure d’intégrer les résultats du modèle dans les processus de souscription, afin de segmenter les transactions opérationnelles.
2. Evaluer la qualité des risques :
L’utilisation des données est un outil essentiel, non seulement à la définition d’un tarif adéquat, mais aussi à la mise en place d’actions de prévention. En exploitant l’historique, mais aussi les données contextualisées, l’IA permet d’identifier la qualité des risques au fil du temps et à chaque renouvellement ; cela apporte une grande finesse de pilotage, quel que soit le segment de marché, des risques complexes aux PMEs.
Ainsi, l’assureur s’engage auprès des entreprises tout au long du cycle de vie de la police, et pas seulement au moment du renouvellement. En outre, que ce soit parce qu’un risque nécessite une réassurance facultative, ou à l’échelle d’un portefeuille, disposer d’une vision précise de la qualité de risque permet de réassurer au meilleur coût.
3. Eclairer les décisions impactant la rétention
Les solutions de modélisation ne remplacent pas l’analyse des souscripteurs, mais elles peuvent éclairer leurs choix. Prédire les niveaux de prix acceptables ou la probabilité de non-renouvellement par le client, par exemple, peut leur fournir des informations utiles dans la négociation avec les courtiers.
Il ne s’agit pas de faire aveuglément confiance à l’IA : les assureurs doivent contrôler et améliorer en permanence leurs modèles prédictifs et leurs processus, au moyen d’audits. La transparence de la modélisation est un prérequis essentiel pour avancer en confiance. Les meilleures solutions permettent de surveiller les paramètres clés en temps réel et offrent la possibilité de comparer les performances d’un modèle avant son déploiement, grâce à des tests A/B.
Cela permet d’ajuster les prévisions au service des souscripteurs, qui peuvent alors prendre des mesures de fidélisation équilibrant probabilité de fidélisation et résultat technique.
La mise en place de modèles et de solutions adaptées d’exploitation des données est ainsi un moyen pour les assureurs d’améliorer la fidélisation, d’optimiser les coûts de protection de leur portefeuille de risques, et de favoriser la prévention dans un cycle vertueux d’interaction avec les entreprises clientes.
Patrick Soulignac, Principal Solution Consultant chez Guidewire, a rejoint l’entreprise il y a plus de 12 ans. Il est expert des sujets liés au secteur de l’assurance et qui touchent à la technologie (risque cyber, IA et analytique, cloud…)